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La Cour d'appel de Paris confirme les charges contre LafargeHolcim

La Cour d'appel de Paris confirme les charges contre la multinationale française Lafarge pour complicité de crimes contre l'humanité commis par ISIS



Communiqué de presse

23 mai 2022



Paris, France - Le 18 mai 2022, la Cour d'appel de Paris a confirmé la mise en examen de la multinationale française du ciment LafargeHolcim SA ("Lafarge") pour complicité de crimes contre l'humanité commis par l'État islamique d'Irak et de Syrie ("ISIS") et d'autres groupes armés en Syrie. Cette affaire représente la première fois qu'une multinationale française est accusée de complicité de crimes contre l'humanité.


Il y a quatre ans, Lafarge et plusieurs de ses anciens cadres et employés ont été mis en examen pour complicité de crimes contre l'humanité et financement d'une organisation terroriste. Selon les actes d'accusation, Lafarge - principalement par le biais de sa filiale qui exploitait une cimenterie en Syrie - a effectué des paiements de plusieurs millions de dollars à ISIS et à d'autres groupes armés et a échangé des matières premières avec eux pendant la guerre civile qui a déchiré le pays.


Lafarge a contesté les mises en examen, faisant valoir que ni la société mère française ni ses dirigeants ne pouvaient être tenus pour responsables des actes de la filiale en Syrie et que les fonds n'avaient pas été versés dans l'intention de soutenir les crimes d'ISIS mais pour poursuivre une activité commerciale. La Cour d'appel de Paris a initialement accepté cet argument et a rejeté les accusations de complicité de crimes contre l'humanité en novembre 2019 (tout en confirmant les accusations de financement du terrorisme). Les victimes yazidies participant à l'affaire en tant que parties civiles ainsi que d'autres parties civiles ont contesté ce jugement.


Dans un arrêt historique rendu le 7 septembre 2021, la Cour de cassation française a ouvert la voie à un procès pénal en annulant l'annulation des charges de crimes contre l'humanité et en confirmant les charges de "mise en danger de la vie d'employés" et de financement du terrorisme. La Cour suprême a estimé que les juges d'instruction disposaient d'indices graves et concordants suffisants, notamment des procès-verbaux des réunions hebdomadaires de Lafarge, démontrant que Lafarge avait apporté son soutien à ISIS tout en ayant une "connaissance précise" du caractère criminel des activités de ce groupe terroriste qui étaient "susceptibles de constituer des crimes contre l'humanité". La Cour suprême a également estimé que "le fait de verser sciemment plusieurs millions de dollars à une organisation dont l'objet est exclusivement criminel suffit à constituer une complicité" des crimes commis par l'organisation criminelle, indépendamment du fait que le complice exerce une activité commerciale. La Cour suprême a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel afin qu'elle réévalue les faits et les charges sur cette base.


Le 18 mai 2022, la Cour d'appel a confirmé les inculpations de Lafarge pour complicité de crimes contre l'humanité et mise en danger de la vie de ses employés en Syrie. (Elle avait précédemment confirmé l'accusation de financement du terrorisme).


Dans son analyse, la Cour a souligné qu'ISIS avait commis des crimes contre l'humanité en Syrie, notamment qu'il "a nié le droit des Yazidis à exister et a justifié leur destruction selon un plan concerté". Après avoir examiné les preuves, la Cour a conclu que Lafarge, qui détient 98,67% de sa filiale syrienne LCS, a non seulement acheté des matières premières à ISIS mais a également effectué des paiements mensuels d'un montant total de "15,5 millions de dollars US" à des groupes armés locaux dont ISIS.


Les juges ont déclaré que "bien qu'informée que les actions d'ISIS pouvaient constituer des crimes contre l'humanité, Lafarge, qui aurait pu mettre fin aux activités de LCS en lui demandant de fermer l'usine, a décidé au contraire de poursuivre cette activité quitte à verser plusieurs millions de dollars à ses groupes".


A ce titre, la Cour d'appel de Paris a considéré qu'"il existe des indices graves et concordants de la participation de [Lafarge] en tant que complice de ces crimes contre l'humanité" car en finançant ISIS, l'entreprise a en fait aidé et facilité les crimes du groupe. En conséquence, les juges d'instruction peuvent poursuivre leurs investigations sur la complicité présumée de Lafarge dans les crimes contre l'humanité d'ISIS ainsi que sur les autres charges.


Natia Navrouzov, directrice du plaidoyer juridique de l'ONG mondiale Yazidi Yazda, a commenté le jugement comme suit : "Cette décision de la Cour d'appel montre à nouveau qu'ISIS ne concerne pas seulement un groupe d'individus qui ont rejoint un groupe terroriste et commis les crimes les plus odieux. Il s'agit également de tout un système qui a permis ces crimes et qui doit être tenu pour responsable afin de s'assurer qu'il n'y a pas de marge d'impunité pour les crimes internationaux."


La lauréate du prix Nobel de la paix Nadia Murad, qui a survécu à l'esclavage et à la torture aux mains d'ISIS, a commenté : "Personne - terroristes, gouvernements ou entreprises - ne devrait bénéficier de l'impunité pour avoir permis un génocide et des violences sexuelles. Les tribunaux français sont désormais d'accord pour que Lafarge et ses dirigeants soient jugés pour complicité de crimes contre l'humanité. Nous devons faire en sorte que la justice aille jusqu'au bout et continuer à travailler par le biais des tribunaux pour que les auteurs de ces crimes rendent des comptes et que les survivants puissent obtenir des réparations".


L'avocate britannique et avocate des victimes, Amal Clooney, qui représente également Yazda, a déclaré que : "Il s'agit d'une autre décision historique des tribunaux français qui montre que personne n'est au-dessus de la loi et que tous ceux qui sont complices de crimes contre l'humanité peuvent et doivent être tenus responsables".


Rachel Lindon et Luke Vidal, avocats français des victimes yazidies et de Yazda, ont déclaré que : " En acceptant les critères de la Cour de cassation pour une mise en examen pour complicité de crimes contre l'humanité et, s'écartant ainsi de la position qu'elle tenait en 2019, la Cour d'appel de Paris confirme l'avancée en termes de responsabilité pour les crimes internationaux qui a été initiée par les instances judiciaires françaises. Depuis le 7 septembre 2021, la jurisprudence française est désormais claire : on répondra de la complicité d'un crime international si l'on soutient matériellement ou financièrement une entité ou une personne dont on sait qu'elle a commis ou commet de tels crimes, nonobstant le fait que l'on n'a pas participé à ces crimes ou que ce soutien n'était pas indispensable à l'infraction. "


Nicolas Angelet et Pascal Beauvais, professeurs de droit et avocats de victimes ont ajouté : "L'arrêt de la Cour d'appel de Paris est un pas important vers la responsabilité des sociétés mères pour les violations des droits de l'homme par leurs filiales. C'est la clé d'une responsabilité effective des entreprises".


Note aux rédacteurs :


Les survivants participant à l'affaire en tant que parties civiles sont membres de la minorité religieuse yazidie ciblée par ISIS dans le cadre d'une campagne génocidaire en Irak et en Syrie. Ces victimes sont représentées par Luke Vidal et Lefa Mondon de Sygna Partners, Amal Clooney et Nicolas Angelet de Doughty Street Chambers, Rachel Lindon et Mathilde Aublé de Lindon & Rohan Chabot et le Professeur Pascal Beauvais (Faculté de droit de la Sorbonne, Université Panthéon - Sorbonne).


Yazda est une ONG yazidie internationale qui soutient les survivants et documente les crimes commis par ISIS depuis plus de sept ans. Yazda a aidé à identifier, localiser et soutenir les victimes dans des procédures pénales dans de multiples juridictions à travers le monde.


Selon l'article 121-2 du Code pénal français, les personnes morales peuvent être tenues responsables des infractions pénales commises pour leur compte par l'un de leurs représentants ou organes.


A ce stade de la procédure, la Cour de cassation et la Cour d'appel n'ont pas déclaré Lafarge SA coupable des infractions reprochées mais ont apprécié si, conformément à l'article 80-1 du Code de procédure pénale français, il existe des "indices graves ou concordants" montrant que Lafarge a pu participer à la commission des infractions reprochées, notamment la complicité de crimes contre l'humanité, le financement du terrorisme et la mise en danger délibérée de la vie d'autrui (employés syriens de Lafarge).



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